Malaise in the city
Bienvenue dans la newsletter des Soeurcières ou encore celle du "Bien manger, rire fort et aimer beaucoup"
Hello à tous après un mois de silence ici …
Malaise et c’est peu de le dire.
Je ne prétends pas être journaliste alors je demanderai à ceux qui liront cette intro de newsletter de prendre ces quelques mots et de les mettre où ils veulent ensuite.
Mais le malaise de voir comment la France a une telle facilité pour parler de violences policières , de racisme structurel aux États Unis et refusent catégoriquement de voir la paille dans ses yeux.
Vous connaissez l’actualité dans l’hexagone. Suite au meurtre d’un jeune homme de 17 ans par un policier , il y a eu une série d’émeutes réprimés ensuite par des incarcérations et des peines quasi immédiates.
Des manifestations ont été interdites et surtout beaucoup de silences , de malaise.
Je regrette de ne pas avoir entendu des journalistes radio/papier ou même télé, des personnalités publiques - mais à part les personnes racisés- parler de la façon dont ils vivaient cela et leur vision/ opinion sur cette France qui finalement n’a pas intégré tous ses enfants.
Il me semble que si on doit faire un parallèle avec l’après George Floyd, il y a eu une inondation de réfléxions & décryptage en tout genre et sur différents médiums, des tables rondes, bref il y a eu expressions et communications sur un drame qui cache une vérité sociétale qui dérange.
Néanmoins, il y a quand même une partie des médias et de l’opinion publique qui le fait. Vous trouverez dans cette newsletter, dans la section “REFLECHIR” des liens vers du contenu sur le sujet.
Sur cette longue intro, je dois vous présenter la newsletter du jour:
Au menu de cette missive qui j’espère vous aura manqué, vous trouverez le portrait d’Amalia, une “recipe developper” vegan réunionnaise (ndrl c’est moi qui lui donne ce titre car j’adore ce job title lol), des reco podcats sur le féminisme africain et les masculinités antillaises, le contenu Réfléchir mentionné, et puis des reco cultures pour démarrer l’été plus légèrement.
Bonne lecture et surtout n’hésitez pas à partager la newsletter si vous en aimez le contenu :D
DECOUVRIR
Cette semaine, je vous propose de voyager sur l’ile de la Réunion via cette lettre et de rencontrer Amalia Irsapoullé, cheffe vegan plus connue sous le nom de @zarlorculinaire sur Instagram. Je dois rendre à César ce qui lui appartient, ou plutôt à Cléopâtre puisque c’est en suivant Jody Danasse que j’ai découvert Amalia en fin d’année. Elles ont organisés ensemble un évènement Yoga + Food sur une plage à la Réunion. Toute l’approche holistique m’a beaucoup séduite, je vous propose de lire son entretien. Vous verrez elle a beaucoup de choses intéressantes à dire et cela vous donnera envie de goûter sa cuisine quand vous viendrez sur l’ile de la Réunion.
Pour info, le prochain Atelier Food, Méditation et Danse Libre d’Amalia et d’Archcena @boomin_ayurveda est le 29 juillet à l’Hermitage, vous pouvez vous inscrire ici.
Qui es tu?
Je suis Amalia Irsapoullé, autrefois je me définissais par mon métier alors qu'il était à l'opposé de qui j'étais réellement. Maintenant que je fais enfin quelque chose qui m'anime, qui me correspond et qui me permet de transmettre des valeurs je trouve le moyen de chercher d'autres façons de me définir. Alors je vais dire Amalia Irsapoullé femme racisée, passionnée par les sujets qui ont du sens à mes yeux, j'essaie d'avancer sur ce chemin qu'est la vie et d'accepter d'aller vers l'essence de mon être.
Qu’est ce que tu fais dans la vie et depuis quand?
Je suis cheffe de cuisine végétale et sans gluten. J'ai aussi une approche anti-inflammatoire dans mes créations.
Comment es-tu venue à ce travail passion?
Pour répondre à cette question je dois remonter des années en arrière. J'en suis venue au burn-out pour arriver à accepter que ce qu'on attendait de moi n'était pas alignée à mes valeurs profondes. Si je pars un peu plus loin, ce burnout résulte au mythe de la méritocratie et j'y croyais dur comme fer, de ce fait j'ai toujours fourni un travail acharné durant mes études. Je me souviens m'être dit au collège : " tu décrocheras au moins un Master", j'ai construit ma vie autour de mes études, j'ai pensé à chaque poste stratégique, entreprise qui pouvait apporter une valeur ajoutée à mon CV. L'endométriose a aussi été la sonnette d'alarme, j'en suis persuadée désormais, pendant une dizaine d'années j'étais en pilote automatique faisant passer ma santé et mon hygiène de vie au second plan il n'y avait que deux choses qui comptaient: mon avenir, ma réussite.
Sinon précisément j'ai fait des études d'espagnol, puis un double cursus espagnol mandarin. Je suis partie en Chine en travaillant à fond pour avoir le budget nécessaire. Par la suite j'ai décidé de faire du mandarin ma spécialité, je suis donc partie à Paris. Et j'ai fait mes études à Inalco et en parallèle je travaillais bien sûr. Puis le chemin m'a ramené en Chine. De 2017 à 2021 ma vie a été rythmée par le secteur du luxe, un mastère en Achat, une expérience dans le BTP puis l'immobilier en start-up.
Il est important de noter que je viens d'une famille modeste, ma mère élevait seule ses trois enfants, je me devais de réussir. Mais je n'avais pas compris à quel point d'autres facteurs entraient en jeu pour bâtir mon avenir. J'ai donc pris une grosse claque, et c'est en prenant un cours de cuisine végétale pendant mon burnout que j'ai compris ce que la cuisine me procurait, ce fut un vrai moment d'instant présent. A ce moment là pour la première fois mon mental s'est tu. Et je me suis dit "ok il y a quelque chose à creuser".
Qu'est ce que tu as envie de transmettre /donner/apporter à travers ton activité?
Par le biais de mon activité j'ai envie de transmettre plusieurs choses à savoir:
L'importance de la santé mentale
La protection du vivant et des terres qui nous nourrissent et l'alimentation comme le facteur mieux-être
L'éthique
Représenter et prendre sa place en tant que créole réunionnaise
L'importance de la protection de notre culture créole réunionnaise
L'entraide entre femmes cheffes d'entreprises
-, A mes yeux, la santé mentale est minimisée dans notre société, nous ne sommes pas suffisamment alertés.ées ni sensibilisés.ées durant notre parcours scolaire (si je dois prendre une période en aparté) parce-que selon la société cela n'arrive qu'à un certain âge dans un certain contexte.
- Venant d'une île, pour moi protéger la nature allait de soi, mais je ne me rendais pas compte que la consommation de certains produits n'étaient pas éthiques pour l'ensemble des être vivants. Et ici je dénonce l'industrie d'élevage qui entraîne des dommages environnementaux, sociaux, éthiques et sanitaires. J'ai à cœur à travers mes créations de montrer que derrière chaque ingrédient dans l'assiette il y a le labeur d'un humain. C'est une chose qui n'est pas facile car nous sommes pris dans un système, il y a une volonté de
nous déconnecter de ce rapport entre consommateur et producteur. Cette déconnexion nous a conduit à avoir un autre rapport au corps, à notre organisme et de ce fait de notre environnement. Je suis de nature optimiste, j'ai mes phases très pessimistes aussi mais je m'y attarde très peu, le diagnostic de l'endométriose m'a forcé à lever les pieds et à adopter une approche holistique. Mon alimentation est mon premier remède bien sûr chaque individu ne réagit pas à l'identique mais à ce jour c'est ainsi que j'ai décidé de me soigner et c'est ce qui me fait du bien.
- J'essaie de mettre beaucoup d'éthique dans mon concept. Pourquoi je dis "essayer" ? Tout simplement parce-qu'il s'agit d'un sujet très opaque, ce qui est ok aujourd'hui ne le sera peut être pas demain. On découvre tous les jours de nouveaux scandales, je dis toujours "on ne sera jamais au bout de nos surprises avec l'Homme". Ici c'est tout un système d'oppression que je pointe du doigt.
- Nous manquons de représentation et ce même sur l'île ce qui est très triste d'ailleurs. Je suis diplômée d'une école de commerce connue, je suis polyglotte on pourrait croire que de finir par faire de la cuisine c'est un échec et justement j'essaie de représenter ce métier différemment. Les créoles réunionnais cuisinent beaucoup, des restaurants il y en a beaucoup mais combien font partie de ces chefs et cheffes illustres de l'île ? Combien sont approchés lorsqu'il faut mettre en avant la gastronomie et la médiatiser ? Et là ce n'est pas le problème d'expertise mais bien un manque de visibilité de ces professionnels. Je suis autodidacte et je n'ai aucune limite dans ma cuisine, je n'attends ni la validation d'autrui ni qu'on me donne la place. Je la prends tout simplement et j'invite chacun et chacune à le faire.
- J'essaie par le biais de mes créations et surtout des matières premières choisies de faire honneur au patrimoine culturel de l'île. Nous avons un terroir d'une richesse extraordinaire, nous mêlons constamment différentes cultures dans notre assiette alors en tant que cheffe j'ai ce devoir de valoriser le terroir. Il s'agit là d'une question de transmission, d'héritage.
- Durant ma carrière j'ai eu affaire à la compétition féminine, au machisme, au racisme et au sexisme. Les secteurs du BTP et du luxe ont été de belles scènes pour observer ces phénomènes. A l'époque je ne m'en rendais pas compte.
J'ai longtemps déprécié les groupes uniquement constitués de femmes, je n'étais pas à l'aise avec les ragots, potins, coups bas et j'ai construit une image de la femme autour de ça. Si bien que j'ai souvent été entourée de garçons. Le végétal m'a permis d'être entourée de femmes, c'était la première fois que j'étais uniquement entourée de femmes, femmes bienveillantes qui brillent à l'unisson.
Aujourd'hui je souhaite montrer que nous pouvons nous soutenir entre femmes, qu'il est même important de le faire. Je dis souvent "la société nous tire déjà dans les pieds venez on se tire vers le haut", sur les réseaux sociaux tout peut aller très vite, j'ai pour mot d'ordre de ne jamais critiquer une femme sur les réseaux sociaux. Pour briller, il ne s'agit pas d'éteindre la lumière des autres.
Enfin par le biais de mes événements j'essaie d'honorer le travail de chaque femme de l'île. Cela passe par des collaborations, partenariats, prestataires.
Comment ressens-tu ton lien avec la communauté?( le sens de la communauté ici est vraiment laissé à l’appréciation de chacun, on peut lire sa communauté ethnique, sa ville, son groupe religieux etc)
Je ressens un lien de soutien, je sens qu'ils ont envie d'en savoir plus sur les backstages de l'activité. Et j'ai constaté qu'il y avait un taux d'engagement très important et de vives réactions lorsque je poste des storys sur des sujets liés à l'environnement, la culture créole. Ça me touche toujours car ce sont mes valeurs et que je suis émue qu'ils partagent ça avec moi.
De quoi tu as envie en ce moment ( peut être tout commun un bouquin/concert etc ou qq chose de plus grand)
En ce moment j'ai très envie de me remettre sérieusement au sport. J'en ai fait 4 à 5 fois / semaine ces 4 dernières années. J'ai du mal à m'y retrouver avec le rythme actuel, ado j'ai fait du surf et j'ai mon niveau 1 de plongée. J'ai donc envie de reprendre tout ça, c'est aussi ma façon à moi de dire. Je suis malbaraise, noire et j'aime le surf, la plongée et le crossfit.
As-tu des rituels ?
Mon seul rituel c'est que je bois un verre d'eau chaude dès le réveil, en fait je bois que de l'eau chaude je ne sais donc pas s'il s'agit d'un rituel haha. Sinon je consomme beaucoup de podcast, quand je cuisine, quand je me douche, quand je fais le ménage. Je ne lis pas beaucoup en ce moment malheureusement alors j'essaie de me nourrir intellectuellement autrement. J'ai une soif d'apprendre qui doit être assouvie.
ECOUTER
Féministe africaine : Je pense qu’on est plusieurs à avoir écouter très attentivement le podcast Investir au Pays dont le sujet était normalement sur l’argent mais qui a permis de donner une leçon de féminisme à l’hôte du podcast. Car on part de loin dans nos pays africains avec le machisme “lourd” voire caricatural des hommes.
Il faut écouter @PaolaAudrey expliquer le féminisme et malgré elle, se poser en féministe africaine devant le public. We love that!
Vous pouvez écouter l’épisode en question ici.
Masculinités martiniquaises: On parle beaucoup de femme potomitan, et on véhicule largement des stéréotypes (?) sur les hommes antillais. Joelle Kabile a écrit une thèse en octobre 2021 sur le sujet et elle en parle chez Victoire Tuaillon. un bijou d’épisode sur un sujet que peu (voire aucun même) chercheur/se a pu exploré.
Vous pouvez écouter l’épisode ici.
LIRE
Pour certains d’entre vous, ça ne sera pas une découverte ! Pour moi ça l’a été, car il a fallu que mon neveu de 11 ans et demi, et ma nièce de 7 ans me convertissent aux mangas. Pour démarrer pour les plus réfractaires, je vous propose de commencer avec cette série publie aux éditions du Lézard noir. Elle comprend 10 tomes et aborde la vie dans un petit quartier de Tokyo, et spécifiquement les clients d’un restaurant atypique: La cantine de minuit.
Imaginez ça, le resto s’ouvre de minuit à 7h du matin et on peut carrément commander ce qu’on veut, dans la limite de ce que le chef/proprio a dans son stock.
En vrai, c’est très spirituel et jamais dans le jugement, on parle beaucoup de nourritures, mais tous les sujets ( d’adultes) sont abordés: l’adultère, le célibat, la vieillesse, le manque d’argent, l’ambition, la famille.
Si ça n’est pas déja fait, faites le pas.
REFLECHIR
Si vous souhaitez comprendre et écouter les analyses de journalistes et de personnalités/créateurs de contenu, voici quelques liens :
la cagnotte pour la famille de Nahel
les 5 vidéos Justice pour Nahel sur la chaine youtube d’Histoires Crépues.
cet article de Rokaya Diallo dans the Guardian
Merci d’avoir lu cette newsletter et passez un bon long week-end!
Ps: N’hésitez pas à nous contacter pour tout retour, ou même envie de participer.